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UNE  JOURNÉE  ORDINAIRE  DANS  LE  DÉSERT

C'était un matin d’hiver, un matin comme tous les matins précédents, quelque part dans le désert du sud marocain à quelques encablures de l'Algérie.

Réveil laborieux

Le froid, une position inconfortable à rectifier, les dromadaires qui ruminaient en grinçant des chicots et en émettant des borborygmes de raffinerie en ébullition, la lumière du jour naissant... m'avaient réveillés depuis un bon moment. Je chausse mes lunettes à la recherche de ma montre-thermomêtre, pour constater que la température sous ma tente flirtait avec les 0°... Brrr, aglagla, aussi sec, je décide de repiquer une tête sous le duvet.
Aussitôt dit, aussitôt fait… aussitôt interrompu par le clap-clap des mains et un guttural ‘bonjour-bonjour’ crié à la cantonade par notre guide Hassan….
Grrrr, il est à peine 6h45, le soleil est encore sous l’horizon et voilà qu’il va falloir déjà s’arracher. Malgré le froid et une envie pressante, je ne parviens pas à décoller et essaie de grignoter encore 10 minutes de rab. Autour de moi, ça s’agite… j’entends dans la tente d’à coté Princesse qui râle aussi après ces réveils trop matinaux… nous sommes sur la même longueur d’onde !
Grrrrrrr… c’est trop de stress ! à la fin j’y tiens plus et émerge de ma tente-igloo en maugréant et en maudissant la terre entière ! Aaah, moi faut pas trop me chercher le matin, je suis d’un naturel grincheux avant le petit déjeuner…

La première heure

Moustache a déjà plié sa tente et est fin prêt pour le petit déjeuner… comment qu’il fait cet oiseau-là ??? …toujours levé avec les poules !!! (tiens elle se cachent où, celles-là ???)
Tout le monde s’est déjà égaillé aux quatre coins de l’erg, cherchant sa dune perso pour satisfaire à des petits ‘problèmes techniques’ qui ne peuvent être différés… (pourraient au moins planter un drapeau rouge au top pour signaler que c’est occupé, non mais !)
Après avoir plié ma tente et fait un détour derrière la dune, je fais un brin de toilette… Ça se résume à me laver les mains et m’humecter un peu le museau… Y a pas de douche dans le désert et gâcher de l’eau est un crime !
Brrrr, l’eau des jerricans est quasi gelée…
Tous les soirs, nos chameliers vont quérir à dos de drom, le précieux liquide à des puits lointains qu’eux seuls savent trouver…
Les yeux débarbouillés, je contemple le paysage alentour : maraviloso ! le soleil qui s’apprête à se lever a enflammé l’horizon… naturellement les chameliers nous avaient trouvé un site idyllique pour le bivouac, bien coincé entre les dunes pour nous protéger du vent. La beauté du spectacle me fait revenir à des sentiments plus pacifiques à l’encontre du genre humain… La journée s’annonce belle !
Après un coup de peigne, je m’engouffre sous la tente marabout pour rejoindre mes compagnons de galère pour le petit déjeuner…
Je grommelle un ‘Salam alekoum’ en m’agenouillant, des ‘Alekoum Salam’ bien cordiaux me répondent…
Comment qu’ils font pour être de bonne humeur à cette heure-ci ?
Tout le monde est déjà là autour du tapis/nappe dressé à même le sol : agenouillé, assis, accroupi ou en tailleur selon la souplesse de l’individu(se)… et fort affairé à se sustenter. Ils ne m’ont pas attendus…
Tiens, je ne vois pas encore Princesse… ah, la voila qui rapplique aussi, bonne dernière… Elle entre sous la tente avec la grâce naturelle d’une reine.. et au même moment le soleil se lève au dessus de la dune et ses premiers rayons s’engouffrent sous la tente. Une douce lumière baigne l’assemblée. La famille est au complet.
Je me met à table aussi (façon de parler). Une infusette de thé Lipton dans un grand bol (vaut mieux oublier le café lyophilisé), quelques tartines beurrées et puis.. de la bonne confiture Aïcha (j’ai un petit faible pour la mirabelle).

Ah, que la vie serait dure, sans confiture ! Mais, elle est pas belle, la vie dans le djebel ?

Les conversations tournent autour du raffut causé par les dromadaires cette nuit, qui quoique entravés, ont circulé entre les tentes à la quête de maigres arbrisseaux à se mettre sous la dent.
Je m’enfourne une dernière tartine pour la route : 2 triangles de Vache qui Rit, notre fromage franco-international !
Hassan rassemble tout son petit monde pour le départ… chacun garnit son petit sac à dos des affaires pour la journée… vérifie s’il y a encore du jus dans l’appareil photo, se demande s’il va mettre le gros Norak ou plutôt la polaire (pour l’instant il fait frais, mais dans 1/2 heures, il faudra enfourner ça dans le sakado et le trimballer toute la journée). Ces dames se tartinent de grosses couches de crème solaire…
Ce matin, Princesse s’est mis un sublime T-shirt d’un suave vert pomme (Golden) qui fait reverdir le désert : elle est à croquer, cette fille !
Il ne reste plus qu’à remplir les bouteilles de flotte à partir des jerricans d’eau de puits… et ne pas oublier la petite pastille de Micropur… bien secouer pour potentialiser… Le petit truc à Eliane : rajouter 2 ou 3 gouttes de pastis pour cacher le goût de chimie ! Aussitôt essayé, aussitôt adopté !
Entre-temps, les 3 chameliers et le cuisinier ont presque fini de démonter la tente marabout et charger les dromadaires (qui renâclent), avec toutes nos provisions, la cuisine ambulante, les tentes et nos gros sakados. Cerise sur le gâteau, XXXXX arrime délicatement un carton de 2 douzaines d’œufs au sommet du paquetage d’un des droms.
Il est 8h15 : le soleil est déjà bien levé... parait qu’on s’est encore pris 15 minutes de retard… des regards accusateurs se tournent vers moi…

YALLAH  !

Enfin Hassan donne le signal du départ : YALLAH !!! (avanti en français) et la colonne s’ébranle… Les 3 chameliers, le cuisinier et les 6 droms nous suivent un moment, puis bifurquent pour se faufiler entre les dunes. Nous les retrouverons au bivouac de ce soir. Mais avant va falloir en baver un peu : devant nous la grande dune de Chegaga nous contemple du haut de ses 90 m de sable…
D’ailleurs ça fait 2 jours qu’on la voyait se profiler à l’horizon et qu’elle nous servait d’amer pour naviguer dans cet océan de sable.
Nous voici à pied d’œuvre ! Nous la jaugeons du regard et cherchons son point faible pour l’entreprendre…
Elle est impressionnante : des tonnes et des tonnes de sable amoncelé ici par le vent. Finalement, à la queue leu leu, nous la gravissons le long de sa crête : d’un côté une pente douce sous le vent, de l’autre un côté abrupt. Jean-Marie, notre cher et vénéré Grand Timonier et Lider Maximo de nos expéditions extrêmes dans nos montagnes à vaches vosgiennes, mène la cohorte.. Il trace la voie… s’enfonce à mi-mollets dans le sable mou en suant et ahanant… les autres suivent en essayant de mettre leurs pas dans les siens… moi en bon dernier, je profite d’une autoroute bien damée par mes prédécesseurs.
En fait, le bon samaritain s’est sacrifié pour pouvoir prendre des photos de toute la colonne : c’est beau, c’est grand, ces petites taches colorées qui montent à l’assaut le long de la crête de l’immense dune en laissant leurs ridicules traces dans le sable, traces que le vent aura effacées d’ici quelques jours.
Ça vous remet son bonhomme à sa place et vous rappelle que l’Homme aussi, n’est qu’un grain de sable dans la Nature. (Je crois que Hulot, il conclurait pas mieux…).
Rendus au sommet, nous nous asseyons pour contempler longuement le panorama qui s’offre à nos yeux. A perte de vue et à 360° autour de nous, s’étale une immense mer de sable moutonnante dont les dunes rappellent les vagues.
Loin à l’Ouest, se profile encore le relief caractéristique de la montagne tabulaire du Lamdouar Lakbir au pied de laquelle nous avons bivouaqué, la deuxième nuit. N’empêche, nous avons quand même sacrément tracé en 4 jours.
Plus proche, le lac asséché d’Iriki que nous a pris toute la journée d’hier à traverser…
Hassan, nous montre aussi à l’opposé, à l’Est, un autre repère : un mont pointu et à gauche et aux jumelles la tour d’un château d’eau. C’est M’Hammid, une palmeraie, qui sera le terme de notre randonnée et que nous atteindrons dans 3 jours (comme disent les commandants de bord)
A quelques dunes de là, nous distinguons aussi notre caravane de dromadaires qui passe, mais nous nous abstenons d’aboyer, époustouflés que nous sommes par la beauté du paysage.
Encore quelques photos pour immortaliser l’instant (et pouvoir montrer aux amis et collègues de bureau en rentrant) et c’est à contrecoeur que nous nous résignons à repartir.
Jean-Marie, Nath et moi décidons de jouer un peu les prolongations et laissons les autres descendre la dune.

Plus dure sera la chute !

Nous avons opté de dévaler la pente en faisant la course… et c’est parti, à grandes enjambées… ça descend sec, on s’enfonce dans le sable jusqu’aux genoux, on manque de trébucher à chaque pas et de mordre la poussière… mais c’est le pied (c’est le cas de le dire)… d’en bas, on nous encourage… je côtoie JM, difficile de faire la différence : lui c’est encore un djeunz, moi j’ai les jambes plus longues… on arrive pratiquement dans un mouchoir de poche, un kilo de sable dans chaque godasse, sous le crépitement des appareils photos de nos paparazzis de compagnons…
On me signale obligeamment que dans la course, ma bouteille d’eau s’est faite la malle de mon sakado mal refermé. Je la vois qui me nargue, non loin du sommet, petite tache bleue perdue dans l’ocre de la dune….
Pffffffffffttttttttttt, j’en suis quitte à remonter… et à redescendre… et tout cela pour de la vulgaire flotte, de l’aqua simplex, du Château La Pompe ! J’en ai plein les pompes, oui ! …mais comme le fait remarquer Hassan, dans ce milieu, l’eau est le bien le plus précieux et la gâcher est un crime !

La pause-graines

Après ce moment fort, la marche continue… Nous poursuivons notre chemin… enfin si chemin, il y a… en tout cas, il n’est pas tracé, ni signalé, de plus le GPS ne capte pas dans ces régions (le téléphone non plus heureusement)… nous naviguons plutôt à l’estime… curieux, il me vient souvent des mots du vocabulaire des marins à l’esprit…
Il est dix heures, le soleil est déjà bien haut dans l’azur, il fait déjà très agréable et tout le monde a tombé qui sa polaire, qui son Gore-Tex…
Pffff…un petit coup de barre… après tant d’efforts…
…à défaut d’ombre, Hassan, nous fait monter sur une petite dune pour la traditionnelle pause-graines du mat’.
Nous nous asseyons en ligne sur la crête d’une petite dune, les yeux tournés vers la grand dune de Chegaga que nous venons tout juste de laisser… elle est magnifique et l’émotion nous étreint toujours de la contempler, malgré la distance que nous avons déjà mise entre elle et nous.
Enfin, HASSAN extirpe de son sac la TUPPERWARE bleue pour donner des petites graines à ses petits oiseaux : cahouètes, amandes, raisins secs, figues, dattes… rien que du bon, on imagine tout cela bourré tout plein de vitamines, d’oligo-éléments et d’autres bonnes choses qui vont vous requinquer jusqu’à la pause de midi…
Mais gaffe aux dangers du désert ! faudrait pas confondre une amande avec un noyau de datte… sinon c’est la ratiche cassée assurée ! Je sais bien que Moustache est dentiste de son état, mais le malheureux a oublié de ramener sa caisse à outils…
La boite circule de main en main, d’un bout à l’autre, puis revient et repasse... et voici que c’est reparti pour un tour… chacun picorant à qui mieux mieux, si bien qu’à force, tant va la Tupperware aux zoiseaux qu’à la fin elle se vide… et qu’il va falloir repartir…

(la suite au prochain épisode… de mauvais temps… propice à ce genre d’activité…)

Le déjeuner
Une après-midi
Coucher de soleil… un peu d’astronomie sur la dune
Diner (soirée du réveillon ?)
Escapade nocturne